Du bon gros zen ou du cybersexisme ?
En 2015, une étude de la Commission des Nations Unies pour le développement numérique a démontré que 73% des femmes et des filles sont exposées à une forme de violence en ligne. La commission a appelé les États membres à mobiliser les secteurs public et privé pour suivre des stratégies concrètes qui enrayent la montée des abus en ligne dirigés contre les femmes et les filles.
Temps de lecture: 6 mns
Internet a facilité la routine de la misogynie et l'intimidation sexuelle, mais (...) a donné aux femmes, aux filles (....) un espace pour se parler sans limites, au-delà des frontières, partager des histoires et changer la réalité.
― Laurie Penny, Cybersexism: Sex, Gender and Power on the Internet
En Haiti, il semblerait que ce soit devenu la grande mode. Des jeunes hommes,cherchant à faire le buzz sur les réseaux, criant à qui mieux mieux au scandale, publient impunément semaine après semaine, des videos, des photos, de corps dénudés de jeunes filles ainsi que de leurs parties intimes, les couvrant de honte, de mépris, d'humilliation. Whatsapp, facebook, twitter, instagram sont tous au rendez-vous pour le linchage. Les commentaires laissent croire que notre société appuie ce genre de chose et pousse le sexisme sous toutes ses formes à son paroxysme. Les victimes sont devenus les coupables et les coupables des héros.
Le cybersexisme est virtuel, mais réel et nuisible.
Nous sommes à une ère où notre système économique est au plus bas et la dépréciation de la gourde est en train de secouer violemment toutes les couches sociales. Kettia une jeune fille de 19 ans, qui vient tout juste de terminer ses études classiques, vit avec sa mère, une marchande ambulante et deux petits frères, mais pas de père. La seule de toute sa famille à n'être allée aussi loin, celle ci rêve de rentrer à l'université pour apprendre les sciences infirmières, mais vu sa situation économique, elle n'aura pas les moyens de se payer ce luxe. Sous les conseils d'une amie, elle se donne pour mission de trouver quelqu'un, qui pourra comprendre son impasse et l'aider. Son sauveur Jean Pipo, quarantaine accompli, vit à l'étranger, se porte garrant pour lui apporter son soutien moyennant quelques petits arrangements. Proposition indécente, mais n'ayant aucun autre recours, elle accepte et rentre dans le monde cruel du donnant-donnant.
Cependant avant de conclure le marché, il faut bien un avant gout sur la marchandise, il va falloir faire patienter son acheteur, titiller ses papilles. Des nudes, des vidéos doivent être envoyés, tout en exigeant sur l'une des clauses du contrat que son visage apparaisse bien afin de s'assurer qu'elle ne se jouerait pas de lui. C'était bien parti, elle commençait à recevoir le fruit de son travail, quand elle se rendit compte un jour que ses parties intimes servaient de toile de fond sur les galeries d'art perverses des réseaux sociaux.
Il n'y avait pas que les siennes mais aussi celles de tant d'autres jeunes victimes. Rares sont les commentaires qui leur étaient favorables. Elle qui cherchait un aller mieux, elle projetait même d'offrir une boutique à sa maman afin de ne plus avoir à faire cela, se voyait humilliée et rabaissée, ridiculisée publiquement. Cet homme venait de faire son buzz, il était acclamé, vénéré par ses pairs et elle... elle était devenue la risée de tous, en ligne comme hors ligne et son cauchemar ne faisait que commencer.
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L'abus en ligne, un problème grave. |
Saviez-vous que dans plusieurs pays la loi punit ce genre de comportement?! Il y a même un nom pour cela et c'est le CYBERSEXISME.
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C'est quoi le cybersexisme?
Ce sont principalement des faits qui font violence (on parle aussi de cyberviolence), se déployant à travers le cyberespace, qui s’exprime à travers les outils numériques, notamment via internet, les téléphones portables et les jeux vidéo. La cyberviolence peut prendre de multiples formes, qu’il s’agisse de violences ponctuelles (insultes, humiliation, intimidation, mise en ligne de photos ou vidéos intimes, etc.) ou de violences répétées relevant du harcèlement. Elle présente des spécificités liées aux médias numériques : capacité de dissémination vers un très large public, caractère incessant de l’agression, difficulté d’identifier l’auteur et d’agir une fois les messages diffusés. Ces actes visent à réitérer les normes de genre ciblant distinctement garçons et filles ; ou encore, à mettre ou à remettre chacune et chacun à la « place » qui lui est assignée dans le système de genre. Etant donné que le sexisme en ligne est de plus en plus en vogue il est aussi de mieux en mieux pris en compte.
Ce sont des actes dangeureux pouvant entrainner des conséquences graves sur la victime, notamment la perte d'estime de soi, de concentration, sentiment d’insécurité, isolement, voire idées suicidaires. Des conséquences aussi sur les relations avec les ami-e-s ainsi que leur entourage comme l'exclusion, rupture de relations, mis à l'écart. Les violences en ligne et hors ligne se rejoignent, ce qui aggrave les conséquences en ne laissant aucun répit aux victimes (24h/24). Ce qui se passe « en ligne » se prolonge « hors ligne », ou inversement, c'est un véritable harcèlement.
Que dit la loi face au cybersexisme?!
En France, la loi protège contre les différentes formes de cyberviolences sexistes et sexuelles comme:
- Les insultes en ligne (« salope », « pute ») .
- Prendre une photo intime (par exemple, des « nudes ») et/ou l’envoyer à quelqu’un-e ne veut pas dire qu’on veut que tout le monde le voit : la loi punit le partage de photos non conssenti à caractère sexuel.
- Un seul message dans le cadre d’un harcèlement groupé (raid numérique) peut être puni.
- L’envoi répété de messages ou photos à caractère sexuel sans avoir rien demandé (ex : dick pics) peut donner lieu à des poursuites pour harcèlement sexuel.
- Porno-vengeance (vengeance intime à caractère pornographique)
- Photographies ou vidéos à caractère explicitement sexuel publiées ou partagées sur Internet sans le consentement de la personne concernée. Publié par un ou une ex-partenaire, ce contenu a pour vocation première d’humilier la personne concernée, à des fins de vengeance, souvent après une rupture (revenge porn).
Parmi les sanctions on peut citer :
- Le Cyberharceler est puni par la loi de 2 ans de prison et 30 000 € d'amende
- Partager sans consentement des contenus à caractère sexuel (même si la victime a consenti à la captation de ces contenus !) est passible de 2 ans de prison et 60 000 € d’amende.
- Harceler en ligne en groupe (raid numérique) est passible de 3 ans de prison et 45 000 € d’amende.
Mais que dit la loi en Haiti?!
À qui porter plainte quand le cybersexisme est infligé en guise de correction pour les "vilaines filles impudiques"? Que dit la loi ? Que disent nos législateurs? Serait-ce encore
une stratégie des politiciens haïtiens pour assassiner la jeunesse ? Pendant ce temps, ce silence assourdissant continue de transformer les victimes en coupables et les coupables en héros.
Auteure: Ruth Dhva
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Pour approfondir :
etude-cybersexisme-web.pdf
cybersexism-sex-gender-and-power.pdf
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La stratégie des politiciens haïtiens pour assassiner la jeunesse
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Article édifiant sur une problématique d'actualité et très prise à la légère par nos autorités. J'apprécie ce côté fiction dans l'article, l'histoire de Kettia est celle de bcp de jeunes femmes dans notre société. Des victimes stigmatisées qui vivent en silence leur dépression. Le harcèlement doit être puni sous toutes les formes, tant sur le net que physiquement. Très bel article !
RépondreEffacerBravo Ruth Dhee
RépondreEffacerJ'ai apprécié cet article. Tu as fait du bon travail Ruth.
RépondreEffacerC'est très intéressant comme article. Bravo Ruth
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